février 21st, 2018
Gabacho : Une histoire d’amour sur fond de baston.
Nous allons suivre les galères d’un jeune garçon, Liborio, qui se heurte au racisme.
Aura Xilonen est née au Mexique en 1995. Après une enfance marquée par la mort de son père et des mois d’exil forcé en Allemagne,chez sa tante,elle passe beaucoup de temps chez ses grands-parents, s’inspirant de leur langage imagé et de leurs expressions populaires. Elle a seulement dix-neuf ans lorsqu’elle reçoit le prestigieux prix Mauricio Achar pour son premier roman, Gabacho. Aura Xilonen étudie actuellement le cinéma à la Benemérita Universidad Autónoma de Puebla.
À travers le personnage Liborio, Aura Xilonen va s’inspirer des personnes qu’elle a rencontrées. Ce n’est pas une autobiographie proprement dite mais le roman est inspiré de la vie et de la famille d’Aura Xilonen. Le grand père de l’auteur s’appelle Liborio comme le personnage principal de ce roman. Ce roman se passe à notre époque et évoque la vie des migrants mexicains qui sont prêts à tout pour rentrer aux Etats-Unis. D’ailleurs, le grand père de l’auteur avait essayé lui aussi de traverser la frontière.
Liborio n’a rien à perdre et peur de rien. Enfant des rues, il a fui son pays natal le Mexique et il a risqué sa vie en traversant la frontière pour commencer une nouvelle vie en Amérique. Cela sera pour lui une deuxième naissance. Il est le narrateur du roman, il raconte ses galères de jeune clandestin. Il va rencontrer des gens parfois bienveillants et d’autres qui veulent sa peau. Dans la ville du sud des États-Unis où il s’est réfugié, il trouve un petit boulot dans une librairie hispanique, il lit tout ce qui lui tombe sous la main, fantasme sur la jolie voisine (Aireen) et ne craint pas la bagarre……
Je trouve très intéressant ce roman car l’histoire commence par un combat et s’achève par un combat d’un autre style. Dans le premier combat, Liborio n’a que ses poings pour se battre. Il réagit comme un animal, psychologiquement il fonctionne avec son instinct. Trois personnages vont être très importants pour lui :
- Pépé : qui va lui sauver la vie deux fois.
- Le Boss : qui va lui permettre de découvrir la lecture et les mots même s’il est parfois difficile avec Liborio.
- Et surtout Aireen : c’est un personnage aérien, qui passe dans la vie de Liborio comme un souffle de vent et qui moralement va sauver Liborio : « Mon cœur s’évaporait par tous les pores de ma peau ». Il est tellement amoureux d’elle, qu’il ne peut vivre qu’avec elle jusqu’à son dernier souffle. Liborio donne beaucoup d’amour à cette fille et Aireen lui donne aussi beaucoup d’amour : « L’amour, je crois que ça peut s’admirer comme une œuvre d’art ». C’est grâce à Aireen que Liborio va aller vers l’écriture et va exprimer tous ses sentiments et écrire des lettres pour elle. Elle va amener Liborio à prendre conscience, à réfléchir sur sa vie passée et future. J’ai adoré aussi un autre passage de ce livre : « Ce que l’amour ne tue pas, le désamour le détruit, vérité de Dieu » !
Grâce à ces trois personnages, Liborio va créer des liens affectifs. Il va se construire. Il va canaliser sa colère, s’entrainer, apprendre une technique de boxe et ainsi le roman se termine sur un combat beaucoup plus digne.
J’ai apprécié la manière dont Aura Xilonen a construit ce roman. Elle a inséré des parties du journal intime de Liborio au passé dans un récit principal au présent. Les événements que vit Liborio lui font penser à des choses vécues dans son passé et ainsi le passé va être inséré au cours de l’histoire pour tisser le roman: la fuite de chez la journaliste, pied-nus dans la nuit lui rappelle la course poursuite avec les watchmans dans le désert. J’ai aimé cette construction et j’ai adoré l’idée que ces insertions soient des lettres pour Aireen. Les lettres et le récit au présent sont écrits avec deux typographies différentes.
J’ai trouvé l’écriture très intéressante: l’auteur a employé des mots qui surprennent : « bluesesques, jazzesques, soulesques, arabesques, thermopylo-jupitériennes….. ». L’auteur a imaginé un langage propre à Liborio. Liborio absorbe tout, il prend tous les mots des livres hispaniques et il les mélange avec les mots de la rue. Il mélange des mots anglais avec des mots espagnol comme Aireen, cela donne un spanglish : « Je crois qu’on va devenir de good friends, tous les deux, you know ». Grâce à cette écriture les personnages sont vivants et réels. Les dialogues ont beaucoup d’humour. J’ai trouvé l’écriture drôle, j’ai trouvé intéréssant que Liborio garde sa culture en parlant spanglish. Je note au passage que le travail du traducteur est excellent, Julia Chardavoire a très bien traduit l’univers littéraire d’Aura Xilonen.
Donc j’ai bien aimé ce livre, cependant, je ne suis pas complétement enthousiaste car j’ai trouvé les mots d’argots difficiles et la fréquence des mots grossiers un peu trop lourde : « connard ! », « trou de balle, fils de pute », « qu’ils aillent se faire foutre », « bordel de merde », « fuck you, son of a bitch, illegal beaner »…………….
Ce livre est néanmoins intéressant et mérite un prix ! L’histoire de ce jeune garçon m’a beaucoup touchée : « Je suis ma propre maison, un point c’est tout. Et la ceinture, c’est le seul truc que j’enlève jamais », « le soleil, c’est lui qui donne la vie mais il peut la prendre aussi » à travers ces citations je ressens la peine des pauvres migrants qui vivent une vie vraiment très difficile, douloureuse et triste ! Les personnages sont attachants de ce livre, je pense encore à Naomi, au grand-père d’Aireen: « un homme ça doit toujours garder sa dignité, je veux dire, sa verticalité, jusqu’au dernier instant de sa vie», à Pépé:« le soleil, c’est lui qui donne la vie mais il peut la prendre aussi » et à tous ses migrants qui risquent leur vie.
Je fais le lien avec le livre de Gaël Faye Petit pays où Gabriel tout comme Liborio, va grandir grâce à la découverte de la lecture! La formation cinématographique d’Aura Xilonen, transparait dans son roman: les dialogues, les flashback, le fait que les personnages principaux apparaissent dés les premières pages du livre (Aireen, le boss, le directeur de la pension).
Ce livre ferait un film passionnant!
Florence, 606